Séminaire « Canguilhem, philosophe : la création et les normes »
Coordinateur : Michele Cammelli
ENS, 29 rue d’Ulm, 75005 Paris.
Argument
L’exigence de reconnaître aussi Canguilhem comme un philosophe à part entière a toujours été nettement ressentie par les nombreux disciples qui se sont formés avec lui lorsqu’il dirigeait l’Institut d’histoire des sciences, et qui le reconnaissaient unanimement comme un représentant éminent de la tradition française de l’épistémologie de l’histoire des sciences. La présentation de Canguilhem comme philosophe de l’erreur, du concept et du vivant que fait Foucault dans l’introduction de 1977 à l’édition américaine de l’essai sur Le normal et le pathologique, ainsi que l’interrogation ouverte par le grand colloque Canguilhem, philosophe, historien des sciences, organisé en son honneur en 1993 au Collège international de philosophie par ses anciens élèves, témoignent de ce besoin impératif de cerner le philosophe derrière l’épistémologue et historien des sciences.
L’édition des Œuvres complètes de Canguilhem, commencée il y a 15 ans avec la publication du premier tome, Écrits philosophiques et politiques, 1926-1939 (Vrin, 2011), et terminée cette année avec la parution récente du sixième et dernier tome, Écrits philosophiques complémentaires, conférences publiques, lettres choisies (Vrin, 2025), confirme le bien-fondé d’une telle exigence et apporte des éléments nouveaux pour y répondre. Dans le vaste corpus de textes que les Œuvres complètes viennent de faire resurgir, la philosophie tout court reprend le devant de la scène et nous oblige à poser et à repenser la question du sens et de la cohérence de l’œuvre de Canguilhem en tant que philosophe. Preuve en est entre autres la parution du premier ouvrage rédigé entre 1929 et 1932 et resté jusqu’alors inédit, Philosophie (1929-1932) paru pour la première fois aujourd’hui dans le dernier tome des Œuvres complètes (OC VI, pp. 261-680).
La création et les normes apparaissent comme les deux grands pôles de cette entreprise de pensée canguilhemienne, tant sur le plan chronologique que thématique. L’objectif de ce séminaire collectif est d’en proposer une première exploration et un premier questionnement.
Dans la première partie du séminaire, nous interrogerons dans plusieurs perspectives la trajectoire qui commence avec l’étonnant ouvrage qui vient de paraître, Philosophie (1929-1932) : en portant l’attention sur le rapport entre théorie de la création et esthétique (M. Cammelli) et sur la façon de traiter le problème de la folie et ses transformations postérieures (F. Le Roux), en interrogeant ses limites en tant qu’elle présente une approche de la création de la valeur qui n’est pas encore ouverte sur la réflexion sur les normes (X. Roth) et en nous demandant par quel chemin le projet d’une thèse de doctorat (demeurée inachevée) sur le problème de la création, dans lequel Canguilhem avait engagé une réflexion axiologique au tournant des années 1930 a débouché, une décennie plus tard, sur une philosophie des normes (P.-O. Méthot). Dans la deuxième partie, nous nous intéresserons à la théorie canguilhémienne de la normativité vitale, en explorant son rapport constitutif avec la philosophie de la technique (M. Cammelli), son originalité dans l’approche de la maladie, notamment par rapport aux recherches phénoménologiques contemporaines (M. Dal Pozzolo), et la façon dont le « pluralisme normatif » qui en découle permet de relier différents axes de la réflexion canguilhemienne et de l’ouvrir également sur d’autres usages possibles dans les débats écologiques plus récents (A. Angelini).
Programme
Lundi 26 janvier – Michele Cammelli
– Création et esthétique à partir de Philosophie (1929-1932)
*salle Ferdinand Berthier (2e étage gauche)
Lundi 16 février – Franck Le Roux (Université Paris Cité, Centre Georges Canguilhem, CRPMS)
– Transformations de la folie chez Canguilhem
*salle Ferdinand Berthier (2e étage gauche)
Mardi 10 mars – Xavier Roth (Aix-Marseille Université)
– De la réflexion (sur le Cogito) à la rectification (de concepts) : l’avènement du problème des normes et du normal chez Canguilhem
*salle U209 (2e étage gauche)
Mardi 17 mars – Pierre-Olivier Méthot (Université Laval, Québec, chaire de recherche du Canada en humanités médicales et histoire de la pensée médicale de la Faculté de Philosophie)
– D’une philosophie de la création à une philosophie des normes (1932-1942)
*salle Théodule Ribot (rez-de-chaussée)
Lundi 30 mars – Michele Cammelli
– Pensée du vivant et sémantique de la technique
*salle Ferdinand Berthier (2e étage gauche)
Lundi 4 mai – Marco Dal Pozzolo (Université Paris Cité, Centre Georges Canguilhem, SPHERE)
– Le vivant au-delà du vécu : pathologie et normes sociales entre Canguilhem et la phénoménologie
*salle Ferdinand Berthier (2e étage gauche)
Lundi 1er juin – Andrea Angelini (Université Paris 8, LLCP)
– Le pluralisme normatif entre philosophie biologique et épistémologie historique. Une lecture de Canguilhem
*salle Théodule Ribot (rez-de-chaussée)