Centre d’Archives en Philosophie, Histoire et Édition des Sciences
Atelier Philosophie et histoire de la psychiatrie, XIX-XXIe siècle

Présentation de l’Atelier

L’Atelier « Philosophie et histoire de la psychiatrie, XIX-XXIe siècle » du CAPHÉS a pour but de réunir le travail de chercheurs porteurs de projets de recherche qui partagent un intérêt à la fois historique et épistémologique pour la psychiatrie et pour les diverses formes de réflexion qui la concernent. En effet, la psychiatrie est un champ du savoir qui se situe à la charnière de domaines et de paradigmes scientifiques très variés. Tout au long de son histoire, elle s’est nourrie d’apports disciplinaires hétérogènes, qui vont de la philosophie aux savoirs médicaux, des sciences sociales aux sciences du vivant. Elle se présente donc comme un terrain problématique qui réclame constamment un questionnement critique des différentes formes de rationalité qui y sont impliquées, de leurs sources et de leurs enjeux.

Les travaux de l’Atelier ont débuté en décembre 2011 par l’organisation d’une journée d’étude internationale sur le thème des « Archives des sciences : médecine et psychiatrie » (http://www.ens.fr/actualites/agenda/archives/article/archives-des-sciences-medecine-et?lang=en).

Cette initiative répondait d’abord à la volonté de valoriser le travail documentaire du CAPHÉS, mais surtout de promouvoir une réflexion épistémologique sur la valeur de l’archive dans l’histoire des sciences, en particulier dans le domaine de la psychiatrie.

C’est dans ce même esprit qu’en juin 2014 a été organisé, par Claude Debru et Mireille Delbraccio, le colloque international : « Neurosciences et psychiatrie : approches historiques et philosophiques », dont les actes sont en cours de publication.

À cette occasion, historiens, philosophes et neuroscientifiques se sont réunis pour débattre des interfaces entre les neurosciences et le champ de la santé mentale, dans le but d’ouvrir un questionnement plus large dans le champ de l’histoire des sciences sur les rapports entre philosophie et psychiatrie, qui tienne compte également des nouvelles recherches au croisement de la phénoménologie, de la philosophie analytique de l’esprit, des neurosciences et des sciences cliniques.

En effet, les approches historique et philosophique de la psychiatrie se sont beaucoup renouvelées ces dernières décennies. Les historiens ont remis en avant le rôle des acteurs dans la manière d’écrire l’histoire de la psychiatrie, notamment pour comprendre les phénomènes de transmission des savoirs, la création d’écoles de pensée et la genèse de courants réformateurs. En France, cela s’est traduit par une histoire qui s’est intéressée aux interactions entre médecine et sciences de l’homme, aux phénomènes de professionnalisation ainsi qu’aux tentatives de réformes de l’asile. Mais la légitimité et l’extension des savoirs « psy » fait de plus en plus débat, aussi bien dans l’opinion publique que chez les experts, et les chercheurs sont de plus en plus sollicités pour expliquer la multiplication des catégories diagnostiques.

En témoigne le développement du domaine de recherche de la « philosophie de la psychiatrie », qui a connu un succès de plus en plus important depuis les années 1990 dans les pays anglo-américains, au point d’être souvent présenté aujourd’hui comme une nouvelle « spécialité » philosophique. C’est précisément afin d’interroger ce nouveau champ de recherche qu’a été conçu, entre 2015 et 2016, le numéro thématique de la Revue de Synthèse sur la « Philosophie de la psychiatrie », sous la direction d’Elisabetta Basso et Mireille Delbraccio (vol. 136, 2016, n°1-2, http://synth.revuesonline.com/resnum.jsp?editionId=3135).

Face à cette évolution dans l’approche de la recherche en psychiatrie, historiens et philosophes ont en commun de travailler à partir de sources primaires. Or le travail sur les archives n’est pas séparable d’une réflexion épistémologique sur leurs objets d’étude, à savoir une problématisation du statut scientifique qui caractérise ces objets, leur contexte, champ de savoir et matérialité à partir desquels ces objets se sont constitués comme tels. En même temps, le travail sur l’archive est toujours aussi une réflexion sur le type de regard qui est porté sur les sources mobilisées pour reconstruire le passé. L’examen des savoirs sur la longue durée de l’histoire, mais aussi dans les controverses actuelles, nécessite donc non seulement la convergence de compétences issues d’une pluralité de disciplines, mais aussi la confrontation de perspectives méthodologiques diverses.

C’est précisément pour répondre à cette exigence épistémologique que l’Atelier « Philosophie et Histoire de la Psychiatrie » a décidé de réunir les contributions issues de la journée de 2011 sur les « Archives des sciences » dans un numéro thématique de la Revue d’histoire des sciences, paru en 2017. Ce volume, dirigé par Elisabetta Basso et Mireille Delbraccio, s’enrichit en outre de contributions ultérieures concernant les recherches les plus récentes dans le domaine de l’historiographie psychiatrique dans plusieurs pays européens, notamment en Allemagne et en Suisse, où le travail dans les fonds d’archives des hôpitaux et des cliniques psychiatriques a produit des résultats importants, qui viennent aussi éclairer en retour la philosophie et l’histoire de la psychiatrie française (https://www.cairn.info/revue-d-histoire-des-sciences-2017-2.htm).

Cet intérêt pour la circulation des connaissances scientifiques, les réseaux intellectuels, les lieux de sociabilité savante, la traduction et la réappropriation des concepts scientifiques dans le champ de la santé mentale, a inspiré d’autres initiatives promues dans le cadre de l’Atelier « Philosophie et Histoire de la Psychiatrie ». Une rencontre entre historiens et philosophes a eu lieu en février 2016 sous la forme d’une matinée d’étude, sous la responsabilité d’Elisabetta Basso, Mireille Delbraccio et Emmanuel Delille, autour de l’ouvrage Foucault à Münsterlingen : à l’origine de l’Histoire de la folie, paru en 2015 sous la direction de Jean-François Bert et Elisabetta Basso (Paris, Éditions EHESS).

La deuxième initiative à cet égard a été le colloque franco-allemand organisé au CAPHÉS par Elisabetta Basso et Emmanuel Delille, en octobre 2016, grâce à un financement du CIERA (Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne), intitulé : « Histoire et philosophie de la psychiatrie au XXe siècle : regards croisés franco-allemands » (http://www.ens.fr/actualites/agenda/article/histoire-et-philosophie -de-la).

Cette journée a été consacrée à l’interrogation des contextes, enjeux intellectuels et matériaux qui ont déterminé l’histoire des échanges entre la France et les pays de langue allemande dans le domaine de la psychiatrie, mais aussi les sources et les fondements plus spécifiquement théoriques qui ont rendu possible le transfert d’idées, de méthodes, de pratiques et aussi de techniques entre ces pays tout au long du XXe siècle. Les actes de cette journée, enrichis par de nouvelles contributions, seront publiés en 2019 dans un numéro thématique de la Revue germanique internationale.

La collaboration de l’Atelier « Philosophie et histoire de la psychiatrie, XIX-XXIe siècle » avec le CIERA s’est poursuivie en 2018 avec la mise en place d’un « Programme de formation-recherche » ayant pour thème les « Approches historiques et philosophiques des savoirs anthropologiques en psychiatrie. France et Allemagne, XIXe-XXIe siècle » (http://www.ciera.fr/en/node/13840). Ce programme, constitué à partir d’une équipe de recherche franco-allemande, a des finalités pédagogiques de formation à la recherche pour doctorants et mastérants et a pour but de faire travailler ensemble des étudiants français et allemands. Les activités envisagées par les trois institutions partenaires (l’ENS-Lyon, l’Institut für Medizingeschichte und Wissenschaftsforschung Universität zu Lübeck et le CAPHES) tout au long de l’année 2018 sont consacrées à la méthodologie de la recherche dans les domaines de la philosophie, l’anthropologie sociale et l’histoire des sciences –, en prenant pour objet d’étude les « savoirs anthropologiques » mobilisés par la psychiatrie contemporaine.

Les manifestations scientifiques sont au nombre de trois et auront lieu, respectivement, dans les trois institutions partenaires dans du projet, avec la collaboration de Delphine Antoine-Mahut et Samuel Lézé (ENS de Lyon), Cornelius Borck et Christina Schües (IMGW Universität zu Lübeck), Elisabetta Basso et Emmanuel Delille (CAPHES). Les thèmes choisis pour les trois rencontres scientifiques sont les suivants : « Médecine et philosophie, XIX-XXIe siècle » (Masterclass, ENS de Lyon ; http://ihrim.ens-lyon.fr/evenement/medecine-et-philosophie-xix-xxie-siecle) ; « L’œuvre de jeunesse de Michel Foucault : psychopathologie, phénoménologie et anthropologie » (Atelier doctoral/Summer school, Institut für Medizingeschichte und Wissenschaftsforschung Universität zu Lübeck ; http://www.imgwf.uni-luebeck.de/fileadmin/oeffentlich/Programm%20Masterclass%20L%C3%BCbeck%20WEB.pdf) ; « Quelle anthropologie en santé mentale ? Approches historiques, philosophiques et ethnologiques (XIX/XXIe siècle) » (Colloque, CAPHES).

L’enjeu majeur de ces activités est d’offrir aux doctorants et mastérants une opportunité de réflexion et d’approfondissement méthodologiques sur leurs travaux et leurs intérêts de recherche grâce à l’interaction personnelle avec des experts (chercheurs et enseignants) formés en France et Allemagne.

L’Atelier « Philosophie et Histoire de la Psychiatrie » se propose d’organiser régulièrement des journées d’étude de philosophie et d’histoire de la psychiatrie. Étant donné leur caractère interdisciplinaire, ces initiatives s’adressent à un public assez vaste : étudiants et chercheurs en philosophie et histoire des sciences, sciences humaines, psychologie, ainsi qu’aux professionnels de la santé mentale.

Membres de l’Atelier :

Claude Debru est philosophe, professeur émérite de Philosophie des sciences à l’École normale supérieure et rattaché au CAPHÉS. Il a été élu correspondant de l’Académie des sciences (section Biologie humaine et sciences médicales) et, depuis 2011, a été élu membre de l’Académie des sciences. Il est également membre de la Deutsche Akademie der Naturforscher Leopoldina. Il a écrit de nombreux articles et plusieurs ouvrages parmi lesquels : Neurophilosophie du rêve, (Paris, Hermann 1990) ; Soi et Non-Soi (avec Jean Bernard et Marcel Bessis, Paris, Seuil, 1990) Philosophie de l’Inconnu. Le vivant et la recherche (Paris, PUF, 1998) ; Le possible et les biotechnologies (PUF, 2003) ; Au-delà des normes : la normativité (Paris, Hermann, 2015). Contact : claude.debru@ens.fr

Elisabetta Basso est postdoctorante au « Centro de Filosofia » de l’Université de Lisbonne (bourse FCT) et boursière EURIAS à l’Institut d’Études Avancées, Collegium de Lyon (Université de Lyon). Ancienne boursière de la Fondation A. v. Humboldt, elle est aussi chercheuse associée de l’« Innovationszentrum Wissensforschung » de la Technische Universität, Berlin. Elle a publié plusieurs articles sur Michel Foucault et sur l’histoire du mouvement phénoménologique en psychiatrie. Parmi ses publications, Foucault e la Daseinsanalyse : un’indagine metodologica (Milano, Mimesis, 2007) ; l’édition italienne de Ludwig Binswanger, Il sogno (Macerata, Quodlibet, 2009) ; le volume collectif Foucault à Münsterlingen. À l’origine de l’Histoire de la folie, avec Jean-François Bert (Paris, EHESS, 2015) ; le numéro thématique : « Philosophie de la psychiatrie », Revue de Synthèse (avec Mireille Delbraccio, vol. 136, n°1-2, 2016). Contact : elisabetta.basso@ens.fr.

Mireille Delbraccio est philosophe, ingénieur de recherche honoraire au CNRS, associée à l’UMS 3610-CAPHÉS à l’École normale supérieure, où elle anime le séminaire « Philosophie et sciences humaines » et, depuis 2012, un séminaire en collaboration avec des psychiatres, « La psychiatrie et ses objets », co-organisé avec le Dr. Saïd Chebili au Centre Hospitalier d’Orsay. Elle a travaillé sur la phénoménologie et la psychiatrie existentielle, ainsi que sur la psychanalyse. Elle a dirigé plusieurs ouvrages collectifs, dont La Sagesse pratique. Autour de l’œuvre de Paul Ricoeur (avec Jeffrey Andrew Barash, Paris, CNDP, 1998), Bergson professeur (avec Sylvain Matton et Alain Panero, Louvain, Peeters, 2015) ; Écriture(s) et psychanalyse : quels récits ? (avec Françoise Abel et Maryse Petit), Paris, Hermann, 2015) ; le numéro thématique : « Philosophie de la psychiatrie », Revue de Synthèse (avec Elisabetta Basso, vol. 136, n°1-2, 2016). Contact : mireille.delbraccio@ens.fr

Emmanuel Delille est chercheur associé au Centre Marc Bloch (Humboldt Universität, Berlin) et au CAPHÉS, Research Fellow au Collegium de Lyon. Il travaille sur l’histoire de la santé, en particulier l’histoire de la psychiatrie et de l’épidémiologie en France, en Allemagne et au Canada. Après des premiers travaux sur l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale (EMC), les fonds d’archives Henri Ey et Henri Ellenberger, ou encore l’histoire de l’hôpital psychiatrique de Bonneval, ses dernières publications analysent l’évolution de l’enseignement médical dans les années 1950-60, l’histoire de la psychiatrie culturelle (McGill University, Montréal) et la problématique de la normativité. Il a récemment contribué au numéro spécial de la revue Santé Mentale au Québec (vol. 41, n°2, 2016) sur l’archive psychiatrique et à celui de la Revue de Synthèse (vol. 137, n°1, 2016) sur la philosophie de la psychiatrie (2016). Il a publié un ouvrage sur l’Ethno-psychiatrie (Éditions ENS, 2017) et dirigé avec Ivan Crozier un numéro spécial de la revue History of Psychiatry (vol. 29, issue 3, septembre 2018) sur l’histoire de la psychiatrie transculturelle. Contact : edelille@ens.fr