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Séminaire « Histoire de la lumière » 2013-2014

Responsables : Arnaud Mayrargue (SPHERE), Danielle Fauque (GHDSO) Ce séminaire a pour objet de réfléchir autour de questions relatives à l’optique théorique et l’optique instrumentale, à leurs modes d’interaction, ainsi qu’à leurs liens avec d’autres domaines, telle l’astronomie. Il s’agit donc d’explorer à la fois les champs théoriques et instrumentaux dans le domaine de la lumière. Les questions qui seront à examiner concerneront ainsi les instruments, les modes d’interprétation théoriques, les liens entre expérience et théorie et enfin les conditions et possibilités de réinvestissement de ces différents domaines dans le cadre de l’enseignement.

PROGRAMME 2013-2014 : les séances ont lieu le mercredi de 14h30 à 17h30, en salle Juan Gris (734A) – plan d’accès .

27 novembre Introduction du séminaire

Arnaud Mayrargue (UPEC, SPHERE, Paris) et Danielle Fauque (GHDSO-EST, Univ. Paris-Sud, Orsay) Présentation générale : objectifs, contenus et perspectives .

Michel Blay (CNRS, CAPHES, Paris) Conférence introductive : historique des théories de la lumière et des couleurs. Questions sur le sens de cette histoire et de ses contenus théoriques .


15 janvier Les instruments d’optique et leur fabrication

Paolo Brenni (CNR, Fondazione Scienza e Tecnica, Museo Galileo, Florence) Robert Hooke and practical optics : the case of the telescope. Au sens commun, le verre est un solide non-cristallin, dur, fragile et généralement transparent à la lumière visible, le plus souvent constitué principalement par de l’oxyde de silicium (composant principal du sable). Pour ses propriétés physiques particulières depuis des siècles, il est utilisé dans un grand nombre d’instruments scientifiques. Grâce à son inaltérabilité, il est indispensable en chimie pour la réalisation de toute la verrerie de laboratoire. Pendant longtemps, il a été le meilleur isolant pour les appareils électriques. Mais c’est surtout en optique que le verre joue et a joué un rôle indispensable dans la fabrication de lentilles, prismes et miroirs qui sont les éléments essentiels d’innombrables instruments. À partir du XVIIe siècle, avec l’introduction des lunettes et des microscopes, l’art de produire et de travailler le verre se développe constamment grâce aux efforts des savants, des opticiens, des constructeurs d’instruments et des verriers. Au XVIIIe siècle, la production de verre au plomb (flint glass) permet, surtout en Angleterre, la réalisation des premières lentilles achromatiques qui, en éliminant une bonne partie des aberrations chromatiques, augmentent remarquablement les performances des instruments astronomiques et contribuent aussi au succès des constructeurs d’instruments anglais. Au début du XIXe siècle, grâce aux travaux de Fraunhofer et de Guinand en Bavière, les techniques pour la fabrication du verre optique s’améliorent remarquablement. Mais la production de différents types de verre avec des caractéristiques physiques bien précises et constantes se développe surtout pendant la seconde moitié du siècle, poussée aussi par la diffusion d’instruments de plus en plus sophistiqués. Le verre d’optique devient alors un matériel essentiel et stratégique dont la fabrication reste difficile et dont les procédés sont souvent jalousement maintenus secrets par les verriers. Pendant la Première Guerre Mondiale, les pays alliés, qui, avant le conflit, avaient largement profité de l’industrie verrière allemande, se trouvent soudainement dans la nécessité de développer rapidement leur production de verre optique, indispensable pour fabriquer les centaines de milliers d’instruments utilisés sur les champs de bataille (lunettes, binoculaires, théodolites, etc.). Malgré l’introduction d’autres matériaux transparents, le verre optique reste toujours indispensable, encore aujourd’hui, dans presque tous les domaines scientifiques et dans un grand nombre d’applications technologiques.

Jim Bennett (Museum of History of Science, Oxford University) Le verre optique : histoire, fabrication, utilisation. Hooke is better known for his microscopy but he also had great ambitions for the telescope. If that seems an obvious position for a practical mathematician and astronomer in the 17th century, we must be careful not to make such assumptions. To many it seemed that almost everything in telescopic astronomy had been claimed by Galileo and all that was left was to clear up a few anomalies. Not so Hooke, but he had so many different approaches – as a theoretician on the nature of light, an observing astronomer, a designer of instruments and a close associate of the instrument makers of London – that it is interesting to consider how he set about fulfilling his ambitions and whether the various aspects of his optical interests worked together.


12 mars Approche théorique de l’optique au tournant XIXe-XXe siècles

Olivier Darrigol (CNRS, SPHERE) Fizeau, Gouy, Poincaré et la nature de la lumière blanche. L’idée centrale de l’optique newtonienne, celle de l’hétérogénéité de la lumière blanche, resta longtemps incontestée et résista même à l’avènement de l’optique ondulatoire. Cela ne se fit pas sans quelque ambiguïté : s’agissait-il d’une succession de trains d’ondes de fréquences diverses mais bien définies, ou d’une seule onde périodique de fréquence variable ? En 1845, Hippolyte Fizeau et Léon Foucault crurent pouvoir trancher en faveur de la première hypothèse. Vingt ans plus tard, Louis Georges Gouy rejeta toute possibilité d’une expérience cruciale car selon lui les deux hypothèses étaient théoriquement équivalentes ; il n’était même pas nécessaire de supposer que la lumière blanche eût une quelconque périodicité. Henri Poincaré prit la défense de Fizeau en 1895. Mais l’invalidité du raisonnement de Poincaré fut bientôt reconnue, et raison fut donnée à Gouy contre Fizeau et contre Newton. Bien avant les débats d’interprétation de la mécanique quantique, cette histoire pose la question philosophique de la définition d’une quantité mesurée préalablement à la mesure ainsi que la question de la réification d’abstractions mathématiques.

Michel Paty (CNRS, SPHERE) Sur le cheminement d’Einstein vers une théorie quantique de la lumière et du rayonnement. Bien que les travaux de Planck sur les échanges d’énergie entre matière et lumière et ceux d’Einstein sur les propriétés d’un « gaz de rayonnement » remontent respectivement à 1900 et 1905, ce n’est qu’une vingtaine d’années après que les propriétés corpusculaires de la lumière furent admises par la plupart des physiciens, lorsqu’il fut acquis que le rayonnement lumineux (et plus généralement électromagnétique) possède, outre une énergie quantifiée, une impulsion également quantifiée. Cette propriété, démontrée théoriquement par Einstein en 1917, fut constatée dans les expériences de diffusion de rayons X sur des électrons atomiques effectuées respectivement par Compton (en 1923) et par Bothe et Becker (en 1925). Elle était difficile à admettre dans la cadre de la physique classique, qui avait antérieurement rejeté la conception corpusculaire newtonienne de la lumière en faveur de son caractère ondulatoire, avéré par tous les phénomènes connus en optique classique, dont les théories de Fresnel, puis de Maxwell (modifiée par la théorie de Lorentz puis par la relativité restreinte d’Einstein) rendaient remarquablement compte. Comment concilier les deux caractères, ondulatoire et corpusculaire, effectifs et pourtant contradictoires ? Et comment la pensée rationnelle de la physique fut-elle amenée à les prendre ensemble en considération, avant même de disposer d’une perspective théorique capable de les légitimer ? (La théorie quantique ne fut établie qu’ensuite, d’ailleurs en partie sur cette base, en 1925-1927). On se propose de suivre la méthode d’exploration du domaine des quanta, d’abord de lumière, puis de matière, qu’Einstein mit en oeuvre en l’absence de théorie satisfaisante des phénomènes quantiques, et qu’il pratiqua de 1905 à 1925, mettant ainsi en évidence des propriétés nouvelles et inhabituelles des phénomènes quantiques, parmi lesquelles le double caractère corpusculaire et ondulatoire de la lumière (et de la matière) ; on tentera, ce faisant, d’expliciter le but qu’il poursuivait dans ce domaine, d’y caractériser son « style » de recherche, et de mieux comprendre ainsi sa pensée des quanta, à la fois constructive et critique.


11 juin Varia

Suzanne Debarbat (Observatoire de Paris) L’optique à l’Observatoire de Paris. Après l’invention des « lunettes de vue », Galilée semble être le premier à voir tenté d’en faire des « lunettes d’approche » qu’il a orientées vers le ciel, avec les découvertes que l’on sait. Les « artistes », comme on les a bientôt appelés, se sont heurtés, pour aller plus loin en diamètre, aux difficultés d’obtenir un verre homogène. C’est seulement à la fin du XVIIe siècle, que certains pourront réaliser des « lunettes astronomiques » de diamètres de plus en plus grand, pouvant atteindre une vingtaine de centimètres. En parallèle, et dans la ligne de propositions de Newton, Herschel sera le premier à passer avec succès de la réfraction à la réflexion avec des miroirs en bronze poli de grand diamètre. Malgré les tentatives faites pour obtenir des miroirs en verre argenté, comme on savait le faire pour les glaces de Versailles à Tourlaville, il faudra attendre Liebig, Foucault et Steinheil pour parvenir à l’argenture en surface. Des tentatives d’ateliers à l’Observatoire de Paris, par Cassini IV, demeureront sans lendemain, du fait qu’il quittera l’Observatoire en 1793. Il faudra attendre le XXe siècle pour voir la création d’un laboratoire d’optique à l’Observatoire. Créé en 1924 grâce au mécène Dina, il est confié à l’opticien américain George Ritchey. En 1926, il est placé sous la responsabilité d’un jeune opticien de renom André Couder. Selon les propositions de l’ingénieur-opticien français Henri Chrétien, Ritchey réalise dans cet atelier un télescope géant à grand champ dit Ritchey-Chrétien. Pratiquement toutes les pièces optiques des instruments français y seront réalisées jusqu’au miroir de 1,93 mètre de diamètre qui équipe le grand télescope de l’observatoire de Haute-Provence et dont la finition du polissage sera exécutée dans la salle, alors dite de « La Méridienne », du deuxième étage de l’Observatoire. Aller plus loin en diamètre, ne permet pas de travailler dans cette salle qui, en 1983, sera entièrement vidée de son contenu, devenant alors Salle Cassini. Dans ce domaine, comme dans d’autres, la technique a pris le pas sur les souhaits des observateurs, mais elle a aiguillonné ces derniers…

Arnaud Mayrargue et Danielle Fauque Bilan et perspectives.